Xenoblade Chronicles Definitive Edition, la légende est de retour
C’est l’histoire d’un jeu sorti au Japon sur Wii en 2010 et que les joueurs européens et américains ont réclamé à corps perdu pendant des mois avant de le voir s’exporter plus d’un an après sa sortie initiale. Une petite dizaine d’années plus tard, nous revoilà à tester ce jeu qui n’en peut décidément plus de ressortir. Xenoblade Chronicles a eu le droit à une version Wii en 2011, puis était disponible en achat « rétro » sur le shop de la Wii U, puis a été porté sur la New Nintendo 3DS et le voilà maintenant sur la Nintendo Switch, la nouvelle reine des consoles Nintendo. Bien sûr, maintenant avec des graphismes « HDifiés » et même un petit épilogue supplémentaire pour satisfaire les fans qui ont déjà terminé l’aventure ailleurs.
Mais la vraie magie des remakes a peut-être plutôt lieu dans le cœur des joueurs. Il existe une véritable communauté de fans du Xenoblade original qui se réjouissent de voir Shulk avec un visage qui ne donne pas des cauchemars. De même, il y a les indignes tels que moi, qui ont essayé de faire le jeu de multiples fois sans jamais parvenir à sa fin, parce que c’est trop long, mais qui ont quand même envie de réessayer, car on ne sait jamais… Et enfin, il y a les plus jeunes joueurs, qui ont découvert la série avec Xenoblade 2 sur la Switch et qui ont faim de plus de Xenoblade. Eh bien qu’on se le dise, ce remake va faire beaucoup d’heureux !
(La partie de ce test dédiée à l’épisode Future Connected est dans le dernier paragraphe)
Entrer dans la légende
Xenoblade Chronicles Definitive Edition (que l’on appellera Xenoblade pour faire simple) est la réplique fidèle du jeu d’origine de 2011. À sa sortie, Xenoblade représentait l’anti-Final Fantasy. Alors que l'épisode XIII venait de sortir avec ses couloirs et ses graphismes à couper le souffle, Xenoblade lui pariait sur l’ouverture de ses environnements et des graphismes un peu moins chatoyants à l’œil. 10 ans après il ne reste plus grand-chose de la promesse des environnements ouverts après le passage de quelques monuments du jeu vidéo en monde ouvert. Je viens de faire Assassin’s Creed Odyssey et je vous prie de me croire que le monde de Xenoblade paraît plutôt riquiqui à côté. Cela a des avantages certains, tel que la téléportation d’un point à un autre de la carte en une poignée de secondes de temps de chargement, mais force est d’admettre que Xenoblade n’est plus le symbole de liberté et d’ouverture qu’il était il y a dix ans. Et pourtant, il reste aujourd’hui on ne peut plus pertinent et représentatif de ce qui se fait de mieux au Japon depuis le début de ce siècle. Alors d’où vient sa force ?
Xenoblade a apporté une toute nouvelle grammaire au RPG japonais. À la manière d’un MMO, le système de combat se déroule sans interruption lors de l’exploration. Les monstres sont directement visibles et le mode combat s’enclenche lorsque le joueur décide d’attaquer ou lorsque les ennemis prennent l’initiative. Il convient alors de gérer les distances avec les ennemis pour éviter de se retrouver à affronter un groupe d’une dizaine de monstres à la fois et se faire ratatiner en un rien de temps. Une fois le mode combat enclenché, le joueur contrôle un unique personnage et est accompagné par deux autres qui vont agir de manière indépendante. Le personnage contrôlé attaque automatiquement avec son arme l’ennemi ciblé, le joueur doit « simplement » gérer les déplacements de son personnage ainsi que les actions « arts », qui sont une série d’attaques et sorts spéciaux qui infligent de gros dégâts, permettent d’affaiblir l’adversaire, de renforcer ses alliés ou de se soigner. Les arts accessibles pendant les combats sont limités. Il faut donc bien se préparer et sélectionner celles qui sont les plus efficaces en combat mais aussi celles qui s’intègrent le mieux avec le jeu d’équipe et qui permettent d’effectuer des combos redoutables.
Chaque personnage dispose de compétences qui, si elles sont effectuées dans le bon ordre, permettent de mettre l’ennemi en grande difficulté. L’exemple classique est l’enchaînement entre une attaque à l’icône rose qui permet d’étourdir un ennemi, puis une attaque verte qui le fait chuter et l’empêche d’attaquer pendant un temps limité et enfin terminer avec une attaque vert kaki pour immobiliser l’ennemi pendant une période prolongée. Cela peut paraître difficile à contrôler, notamment lorsqu’on ne gère les attaques que d’un seul personnage mais c’est là que le système d'attaques en chaîne entre en jeu. À mesure que les combattants frappent les ennemis, une jauge de chaîne se remplit. Divisée en trois parties, cette jauge permet de ramener à la vie un personnage tombé au combat, mais aussi d’effectuer une attaque en chaîne où le temps s’arrête et permet de contrôler les arts de chacun des personnages de l’équipe une fois chacun ou même plus encore selon leur niveau d’entente.
Ce système de combat peut paraître complexe de prime abord, mais devient très vite naturel et frôle même la répétitivité sur la longueur car le joueur n’obtient que rarement de nouveaux arts et les stratégies ne varient pas beaucoup au fil du jeu. Cependant je vous incite à tester de contrôler plusieurs personnages différents et ne pas se limiter à Shulk, car chaque personnage dispose d’un set d'actions très différent et qui impose d’adapter son style de jeu sans perdre l’intérêt du combat. Je vous invite notamment à essayer d’être tank avec Reyn, soigneur avec Sharla ou magicienne avec Melia pour des sensations de jeu vraiment uniques. C’est un système qui a fait ses preuves dans les nouvelles itérations de la série Xenoblade et qui apporte toujours la même fraîcheur au gameplay parfois un peu rébarbatif des RPG japonais.
Un parfum de vieille école
Xenoblade est un jeu à systèmes et j‘insiste bien sûr le S à la fin de systèmes. C’est un jeu dans lequel on passe beaucoup de temps dans les menus. Il faut bien sûr gérer l’équipement, du chapeau aux chaussures, le jeu donne d’ailleurs la possibilité de gérer les équipements d’apparats individuellement, ce qui permet de choisir l’apparence du personnage indépendamment de ses statistiques (oui on peut donc être super balaise et ne porter qu’un maillot de bain si c’est ce que vous vouliez savoir). Il faut ensuite gérer les arts et les améliorer régulièrement afin de les rendre plus fortes. Puis il y a les « Traits » qui constituent la personnalité des personnages et lui donnent des bonus de statistiques. Vient ensuite le sociogramme qui répertorie les relations entre les personnages et qui permet de déterminer quels personnages s’entendent le mieux ensemble et sont le plus susceptibles d’être efficaces sur le champ de bataille. Il y a même une encyclopédie qu’il faut remplir soi-même avec tous les objets que l’on peut trouver dans chacun des environnements pour obtenir à nouveau des bonus. Et je vous ai parlé du système de succès qui copie le système des trophées et achievements de la PlayStation et la Xbox ? Bref si les menus ce n’est pas votre truc, l’aventure s’annonce compliquée.
Du côté des graphismes, le jeu a eu le droit à un bon petit lifting pour l’adapter aux standards actuels. Tous les personnages ont été refaits, les monstres et les décors également. Le tout rend magnifiquement bien dans les cinématiques et en jeu. Les moments où l’on a une vue directe sur le géant Mechonis ou Bionis offrent toujours leurs petits frissons. Et je dois d’ailleurs avouer que le style artistique des personnages est certainement le meilleur de toute la série, malgré l’âge du jeu, et cette refonte graphique fait vraiment honneur à ce style. Pourtant, on peine à être impressionné la plupart du temps à cause de la fidélité au matériau original. Le monde manque souvent de couleurs, les détails et textures ne sont pas tous du même niveau de qualité, on a parfois un filtre brumeux quand on se déplace et qui semble vouloir cacher les défauts. Et ne parlons pas du mode portable de la Switch. Dès que vous déconnectez la console du téléviseur, c’est la soupe à la grimace, avec une chute notable de la résolution et des textures qui perdent de leur éclat. Une petite pensée pour les joueurs de Switch Lite qui vont vraiment subir ce « downgrade » de plein fouet. Le bilan graphique n’est malheureusement pas aussi bon qu’on aurait pu l’espérer.
Le monde merveilleux de Xenoblade Chronicles
Xenoblade est un jeu fantastique avant tout par la richesse de son univers et le rythme de sa trame principale. Le monde de Xenoblade est bâti autour de deux titans endormis qui se font face sur un océan infini. Sur ces deux titans, des formes de vie intelligentes se sont développées. Sur Bionis, ce sont les espèces organiques qui règnent. Parmi les espèces intelligentes nous avons les Homz ou l’équivalent des humains qui vivent dans des colonies similaires à nos villes réelles sur les jambes du titan; les Nopons, ces boules de poils mignonnes qui vivent en harmonie avec la nature au centre du Bionis; et les Hayenthes, une espèce noble et technologiquement avancée qui vit sur les hauteurs du titan à l'abri des menaces extérieures. Sur Mekonis, ce sont les mékons, des formes de vie robotiques qui résident… et c’est tout ?
Les titans se sont affrontés il y a plusieurs millénaires avant de tomber dans le sommeil, permettant à la vie de fleurir sur chacun d’entre eux. Cependant la paix des peuples est perturbée depuis que les mékons ont commencé à attaquer les communautés de Bionis. Une première attaque a eu lieu lors du prologue du jeu, attaque qui a pu être déjouée notamment grâce au monado : une épée magique trouvée dans les coins les plus reclus du Bionis, et qui permet d'éliminer facilement les mékons. Un an après, alors que les peuples ont à peine eu le temps de se remettre de ces premières attaques, les mékons reviennent cette fois avec une nouvelle arme: les « facias », des robots possédant un visage et qui sont insensibles au monado. La colonie 9 dans laquelle vit Shulk, notre héros scientifique en charge de l'étude du monado, avec ses amis Reyn, Dunban et Fiora est ainsi prise d’assaut par les mékons. Shulk prend alors le monado en main et parvient à repousser les attaques des mékons, mais c’est sans compter sur les facias qui parviennent à faire de lourds dégâts et à tuer Fiora, l’amie d’enfance de Shulk. Celui-ci va donc décider de partir prendre sa revanche contre les mékons. C’est alors le début du voyage de Shulk qui le portera à travers les différents peuples du Bionis pour pouvoir contre-attaquer les mékons et découvrir les mystères du monde de Xenoblade.
Ce ne sont ici que les prémices de l’aventure qui est extrêmement forte en émotions et en retournements de situation. Et je dois bien avouer que le rythme du jeu, bien qu’un peu lent au début, ne fait que s’accélérer et nous laisse à bout de souffle jusqu'à ce que les crédits de fin s'affichent. Certes il y a énormément de séquences cinématiques, mais elles parviennent à garder un ton juste, que ce soit lors de batailles grandiloquentes ou dans les moments les plus intimes, sans jamais être ennuyantes. Le monde et l’histoire de Xenoblade Chronicles sont extrêmement cohérents et prenants du début à la fin de l’aventure. C’est un quasi sans faute. Je dis quasi à cause d’un élément en particulier qui a été expliqué et développé dans l’épisode Future Connected. Je vous en parle juste après.
Pour rythmer cette aventure, le jeu dispose d’un très solide doublage en anglais, effectué par une équipe de doubleurs britanniques qui incarnent à merveille l’émotion de chacun des personnages. J’étais d’ailleurs surpris de reconnaître la voix de l’actrice Jenna Coleman, connue pour son rôle de Clara Oswald dans Doctor Who notamment. Et puisque l’on aborde le sujet du son, comment ne pas évoquer la magnifique bande originale composée entre autre par Yoko Shimomura connue pour son travail dans Street Fighter, Kingdom Hearts et Final Fantasy XV. La bande son a été réorchestrée pour l’occasion, ce qui est toujours appréciable, bien que les différences avec la version originale ne sont pas toujours évidentes à saisir (le jeu n’a que 10 ans après tout). Les musiques sont un peu sages pour un JRPG et ne s'éloignent pas vraiment des musiques habituelles des classiques du genre, mais elles restent efficaces en toutes circonstances et ne manquent jamais de souligner l'action.
Je pense qu’il est également bon de noter que Xenoblade est un jeu très long, mais dont la longueur se justifie par le scénario. Attention cependant aux nombreuses quêtes annexes qui sont vraiment simplistes et répétitives, si bien que le dialogue entre les différents personnages semble parfois être un parfait copier-coller d’une quête à l’autre. Nous avons le droit à un festival de « J’aimerais en savoir plus », « C’est vrai que c’est embêtant » et « Je peux vous aider » pour narrer des quêtes classiques où il faut tuer un certain nombre de monstres d’une espèce ou récupérer des fleurs. Ces quêtes restent cependant une ressource d’argent et d’expérience non négligeables et sont donc difficiles à ignorer. Je recommande donc sérieusement de toutes les activer auprès des habitants lors du premier passage dans les villes et de les faire par la suite quand on revient dans le monde sauvage.
De petites améliorations et un nouvel épilogue
Comme expliqué plus haut, la Definitive Edition apporte son lot de petits ajouts aux niveaux graphiques et musicaux. Parmi les autres changements nous avons l’apparition d’un mode contre-la-montre assez peu intéressant mais qui permet d’obtenir de nouveaux équipements stylés. Pourquoi pas ? Mais surtout, nous avons différents modes de difficulté qui vont permettre à chacun de s’y retrouver, qu'ils soient débutants, experts ou juste pressés. Le mode facile va permettre d’accélérer le jeu assez brutalement en rendant la totalité des combats bien plus simple que le mode normal. Ce sera particulièrement appréciable pour ceux qui veulent surtout profiter de l’histoire. À l’inverse, un mode expert est également disponible pour les vétérans et ceux qui voudraient faire une deuxième (ou troisième, ou quatrième) partie. Ces modes sont extrêmement importants dans un jeu comme Xenoblade et vont vraiment changer la vie de certains joueurs.
Et enfin, il faut aborder le point Future Connected. L’épisode supplémentaire uniquement disponible dans cette version. Je tiens d’abord à souligner qu’il faut vraiment avoir fini l’aventure principale avant de lancer ce nouvel épisode. Celui-ci commence avec une série de flashbacks sur les dernières minutes de Xenoblade. Alors je ne veux pas entendre de « oui, mais j’avais bien avancé dans le jeu en 2012 sur ma Wii, c’est bon je connais ». Si vous n’avez pas fini l’aventure principale, Future Connected n’a aucun intérêt. Il s’agit vraiment d’un épilogue qui s’attarde sur des points non développés à la fin du jeu.
Pour la suite de ce paragraphe je vais
expliquer le synopsis de Future Connected et donc devoir spoiler une partie de la fin de Xenoblade, je vous invite donc à sauter au paragraphe de conclusion pour éviter
de vous gâcher la surprise.
Prêt ?
Vous êtes encore là ? Sûr ?
Future Connected est un épisode dédié au
personnage de Mélia qui n’avait pas vraiment eu de conclusion à son arc dans
Xenoblade Chronicles. Shulk lui propose de l’accompagner lors d’un vol vers
Alcamoth, la capitale des Hayenthes qui était supposément disparue, mais a été
retrouvée flottante dans les airs aux côtés d’un morceau du Bionis, à savoir
son épaule. Mélia et Shulk s’envolent donc pour Alcamoth mais sont attaqués par
un étrange laser et s’échouent sur le morceau d’épaule du Bionis. Ils
découvrent alors que les enfants du Nopon Riki, à savoir Nene et Kino s’étaient
infiltrés à bord de leur vaisseau. Ils vont ainsi faire équipe pour tenter de
comprendre le mystère de cette nouvelle région.
Future Connected offre une toute nouvelle zone d’une taille conséquente avec un gameplay tout à fait similaire à celui du jeu principal. À cela prêt que l’équipe se compose maintenant de 4 personnages uniquement et qu’il va falloir revoir les habitudes prises jusqu’à présent. Le système d’attaque en chaîne est également remplacé par des invocations que l’on acquiert en aidant les Nopons explorateurs de la région. Douze Nopons peuvent ainsi apporter leur aide et faciliter grandement la progression dans l’aventure supplémentaire. Nintendo a annoncé une durée de vie de 10-12 heures pour clore cet épilogue, mon expérience est plutôt entre 8 et 9, même si j’avoue avoir un peu abusé du mode facile lors de ma partie.
Au global cette aventure, bien qu’optionnelle, apporte un bon complément à la fin de Xenoblade Chronicles. Il n’est pas aussi nécessaire qu’un Torna, mais si comme moi vous avez un affect particulier pour le personnage de Mélia, vous saurez apprécier à sa juste valeur ce Future Connected.
Une légende ressuscitée
À l’annonce de ce Xenoblade Chronicles Definitive Edition, j’étais un peu circonspect, mais à nouveau Nintendo a su prouver qu’il s’occupait des remakes de ses propres jeux avec beaucoup de soin. Xenoblade, malgré ses petits côtés vieillots fonctionne toujours aussi bien aujourd’hui et saura ravir les amateurs de JRPG qui n’avaient pas encore eu l’occasion de le faire ou de le terminer à une autre époque. Les modes facile/expert ainsi que l’épisode Future Connected donneront quant à eux le petit bonus suffisant pour faire craquer à nouveau les fans de la première heure.
Si vous ne jurez que par les mondes ouverts et attendez de Xenoblade un Witcher 3 à la japonaise, vous risquez d’être déçus. De même si vous aviez fini le jeu à l’époque et n’aviez pas été particulièrement marqué par votre expérience (triste, mais envisageable), ne perdez pas de vue qu'il s'agit tout de même d'un remake fidèle du jeu de 2011. Attention également au mode portable si vous ne comptez utiliser que celui-ci ou si vous jouez sur Switch Lite: il est vraiment très inférieur graphiquement.
Et pour tous les autres joueurs qui sont simplement curieux de découvrir un monument du RPG japonais, je vous souhaite une
excellente expérience avec ce Xenoblade Chronicles Definitive Edition. J’espère
très sincèrement que ses ventes seront suffisantes pour justifier un remake de
Xenoblade Chronicles X, pour lequel j’ai un affect tout particulier, et qui
aurait lui aussi bien besoin d’un portage sur Switch ainsi que d’un épilogue.
J’espère avoir l’occasion d’en reparler avec vous dans quelques mois !