#11 Le bouquin du weekend • Eloge de la faiblesse


            Aujourd’hui nous parlerons d’un écrivain Valaisan célèbre, au parcours atypique. Suite à un étranglement par cordon ombilical à la naissance, Alexandre Jollien est infirme moteur cérébral. Il vivra, de trois à vingt ans, dans une institution spécialisée pour personnes en situation de handicap, près de Sierre. Devenu depuis philosophe et écrivain, je voue une admiration immense pour cet homme, dont la vie s’apparente à un combat, qu’il a su remporté avec brio.  

            Faire l’éloge de la faiblesse, c’est adhérer à une philosophie à contre-courant de la société moderne. Les médias et les foules adulent les grands sportifs, les rockstars, voire même certains PDG (comme Elon Musk), mais qui s’intéressent réellement aux faibles, aux démunis, aux accidentés de la vie ?  

            Avant de rentrer dans le vif du sujet, rappelons que : " [l’auteur] ne peut pas écrire à la main. [Il] a donc dicté ce texte à un ordinateur qui a transcrit [sa] parole, d’où un style parfois proche de la langue parlée." Et cela tombe bien, puisqu’il narre un dialogue imaginaire entre Socrate et lui. Le philosophe grec, fidèle à lui-même, affirme qu’il ne sait rien, nous permettant ainsi de découvrir le parcours singulier et semé d’embûches de son compagnon.  

            Mêlant philosophie et handicap, perception de soi et d’autrui, souffrance et amour, ce livre ne peut laisser quiconque indifférent. Sans l’avoir vécu, on comprend, du moins en partie, la difficulté du quotidien des handicapés. On comprend aussi l’importance de traiter autrui d’égal à égal, malgré les apparences. On comprend enfin que l’on passe beaucoup de temps à se plaindre pour des futilités alors que certains arrivent à tourner des drames en dérision.  

            À la lecture d’Eloge de la faiblesse, on se sent tout petit, mais on en sort grandi.

 

Extraits choisis :  

"Le Centre regorgeait d’anomalies. […] Rien ne nous unissait, pourtant tout nous réunissait. Ensemble nous pouvions mieux tolérer l’intolérable de notre situation, c’est pourquoi nous nous gardions bien de dilapider notre temps si précieux dans d’inutiles querelles, de vaines mesquineries."  

"Qui est le plus respectueux : le contrôleur qui exige le paiement, ou celui qui, par pitié, renonce à son devoir ?"  

" Il y a des sourires qui blessent des compliments qui tuent."  

 "Au cours de français, durant la première heure d’école, collé au radiateur, je regrettais amèrement de ne pas pouvoir me cacher dans l’armoire. Bientôt, le professeur posa cette question : « Est-ce que les mêmes causes provoquent les mêmes effets ? » Silence. Après maintes hésitations, la gorge serrée, j’intervins et dis : « Non ! si l’on tombe dans les escaliers, on peut se casser un ou deux tibias, c’est pourtant la même cause à chaque fois, on tombe… ». « C’est un bon exemple », décréta le professeur. Et, défiant tous les regards qui se dirigeaient vers moi, j’ajoutai : « Question d’habitude, monsieur. » Et la classe hurla de rire."